Dissimulés derrière une table, un crayon ou bien leur ordinateur en ces temps de confinement, les membres du jury n’en sont pas moins un gage de crédibilité et de qualité lors d’un concours. Le Concours OSM compte trois jurys, un pour chacune des phases (préliminaire, demi-finale et finale). Pour la finale, le jury de cette 81e édition est composé de musiciens et pédagogues de premier plan sur la scène internationale*. Nous nous sommes entretenus avec deux d’entre eux : Juliette Hurel, flûte solo du Philharmonique de Rotterdam, ainsi que Carol Jantsch, tuba solo de l’Orchestre de Philadelphie. Les deux musiciennes nous partagent de précieux conseils sur leur travail au sein du jury de ce Concours OSM.
Le jury du Concours : une hydre à huit têtes ?
S’il est sans doute plus facile d’oublier le jury quand celui-ci n’est pas physiquement présent, comme c’est le cas dans la cette édition atypique, les huit membres de ce jury international ont tout de même de quoi intimider les candidats : ils viennent des orchestres philharmoniques de Berlin, Rotterdam, New York, des orchestres symphoniques de Chicago, Montréal, Pittsburgh, Philadelphie et de la radio bavaroise. « Lorsque je passais des concours, je ressentais de la peur à l’égard des jurys, mais ce n’était pas la bonne attitude. » Comme Juliette Hurel, beaucoup de musiciens ont ressenti cette angoisse d’avoir plusieurs paires d’yeux rivés sur eux pendant leur prestation. « Je me suis rendue compte en passant du côté des jurys que nous sommes très bienveillants en général ». Ces membres du jury sont aussi, ne l’oublions pas, des musiciens qui sont tous passés par les concours dans leur cheminement. Ils sont non seulement animés de bienveillance, mais aussi très réceptifs et prêts à être conquis par la proposition musicale des candidats et candidates.
Bien entendu, les membres du jury basent leur jugement sur un certain nombre de critères, certains relevant d’aspects plus objectifs (sonorité, justesse, technique), d’autres plus subjectifs (présence, musicalité, aptitude à communiquer les émotions). Il ne faut pas séparer pour autant l’aspect technique de l’aspect musical, comme le rappelle Carol Jantsch : « La technique et la musicalité ont besoin l’une de l’autre, au point de se soutenir mutuellement, de sorte qu’il est impossible de les séparer. Pour communiquer des idées de manière claire et convaincante, vous devez utiliser tous les éléments à votre disposition ». Les choix du jury dépendant donc autant de critères objectifs mesurables que du ressenti subjectif de chacun… ce qui représente finalement l’art musical, qui va bien au-delà d’une succession de notes sur une partition!
« Oubliez que c’est un concours, imaginez que c’est un concert »
Comment se préparer face à l’angoisse à l’égard du jury? « Si je peux conseiller quelque chose aux musiciens qui passent des concours, c’est d’oublier que c’est un concours, et d’imaginer que c’est un concert. De se concentrer sur la musique et le message que l’on veut faire passer. J’aime que l’interprète me raconte une histoire, me mène par la main. Cela est rendu grâce à l’imagination, l’inspiration de l’interprète mais aussi grâce à de beaux phrasés, de belles couleurs. On peut comparer cela à un jeu d’acteur de théâtre! » Ce point de vue de Juliette Hurel est partagé par Carol Jantsch, qui n’a pas attendu d’être dans un jury pour le mettre en pratique. Déjà lorsqu’elle se présentait comme jeune musicienne dans des concours, elle oubliait un instant le jury pour se consacrer à la musique : « Rétrospectivement, je pense avoir trouvé la bonne stratégie, qui est de se concentrer entièrement à créer sa version préférée de l’œuvre, plutôt que de se préoccuper de ce que pensent les juges. » C’est sans doute grâce à cette attitude qu’elle s’est retrouvée tuba solo de l’orchestre symphonique de Philadelphie, alors dirigé par Christoph Eschenbach, à seulement 21 ans !
Les concours peuvent aussi occasionner de magnifiques rencontres entre membres du jury et jeunes musiciens de la relève, et donner lieu à de futures collaborations et de belles histoires à raconter. Ainsi, Juliette Hurel se souvient : « Après le premier tour du concours Jean-Pierre Rampal, le flûtiste du jury, Aurèle Nicolet, est arrivé dans ma loge en me disant : ‘‘Bravo, vous avez une vraie personnalité, continuez comme ça.’’ Je n’en croyais pas mes oreilles. Par la suite, j’ai eu la chance d’aller plusieurs fois chez lui pour des cours privés, c’était à chaque fois une journée magique et cela m’a beaucoup aidé ». En entrant sur la scène devant un jury, les candidats voient donc peut-être leur futur professeur ou même leur futur collègue d’orchestre!
À la fois aventure humaine et étape initiatique, le Concours OSM est fait de précieuses rencontres et de dépassement de soi. Il ne faut bien sûr pas oublier de se faire plaisir de la première à la dernière note, et ce pourrait être le début d’une longue et belle histoire dont les péripéties se dérouleront sur tous les continents !
*Le Jury International est parrainé par la Succession Lambert-Gagnon-Fortier.